Arthabaska : une partielle pas comme les autres
Ce comté que le PQ n’a pas gagné depuis 1998 pourrait redevenir péquiste… ou offrir aux conservateurs québécois leur premier député en 90 ans.
Plus que 14 jours de campagne pour l’élection partielle estivale dans la circonscription d’Arthabaska.
Le 11 août au soir, ce comté à cheval entre les régions du Centre-du-Québec et de Chaudière-Appalaches aura un nouveau député à l’Assemblée nationale.
Si l’on se fie aux données disponibles, ce député portera les couleurs du Parti québécois (Alex Boissonneault) ou du Parti conservateur du Québec (Éric Duhaime). Bien que les surprises soient toujours possibles — particulièrement lors d’élections partielles en plein été — aucune donnée publiée à ce jour ne laisse croire qu’un autre candidat pourrait se faufiler.
Bien qu’elles attirent souvent une attention médiatique disproportionnée, les élections partielles n’ont pas toujours de réelles conséquences sur la scène nationale. (L’élection partielle de mars dernier à Terrebonne s’est d’ailleurs déroulée exactement comme plusieurs l’avaient prévu : un gain pour le Parti québécois — et la terre n’a pas tremblé pour autant.)
Il demeure cependant que cette partielle pourrait avoir des effets bien au-delà du 11 août — et bien au-delà des limites d’Arthabaska.
Et le PQ gagnait ?
Une victoire du Parti québécois viendrait nourrir l’aura d’invincibilité qui entoure la formation souverainiste depuis son ascension au sommet des sondages à l’automne 2023. La chute brutale de la CAQ dans l’opinion publique ouvre toute grande la porte à un changement de gouvernement en octobre 2026 — et les données accumulées au fil des deux dernières années laissent croire que c’est le PQ qui est le mieux placé pour succéder à la CAQ.
Toutfois, Arthabaska n’est pas un terreau naturel pour le PQ. En effet, la formation péquiste n’a pas remporté ce comté (ou ses anciennes versions redécoupées) depuis novembre 1998, alors que Lucien Bouchard menait le parti à 76 sièges avec 43 % des suffrages à l’échelle du Québec.

Ça commence à dater. Selon le modèle Qc125, Arthabaska serait aujourd’hui la 66e circonscription la plus favorable au PQ — donc tout juste en territoire majoritaire. Toutefois, ce rang est aussi influencé par le contexte particulier de cette élection partielle et par la dynamique de course à deux qui s’y est installée.
Le contexte actuel n’est donc pas le même que lors d’une élection générale.
D’ailleurs, les circonscriptions fédérales qui recoupent ce comté provincial (Richmond—Arthabaska et Mégantic—L’Érable—Lotbinière) ont tous deux envoyé des députés du Parti conservateur du Canada à la Chambre des Communes en avril dernier. Le Bloc québécois a terminé au troisième rang dans ces deux comtés.
Et si Duhaime gagnait ?
Une victoire d’Éric Duhaime aurait fort probablement des effets durables sur la politique québécoise, au moins jusqu’à la fin de la présente législature. Même ses détracteurs reconnaîtront qu’une victoire du chef conservateur serait potentiellement bénéfique pour le PCQ : Duhaime gagnerait alors sa clé d’entrée à l’Assemblée nationale, pourrait se lever en chambre pour questionner directement le gouvernement et obtiendrait une couverture médiatique encore plus abondante (oui, oui, c’est possible).
Si Duhaime devait l’emporter, il deviendrait le premier député élu sous la bannière conservatrice depuis… 1935, alors que le défunt Parti conservateur de Maurice Duplessis mordait la poussière face au PLQ et à l’Action libérale nationale.
Une défaite du PQ, par ailleurs, enverrait un signal clair : la formation souverainiste n’est pas invincible dans le Québec francophone rural. Selon les données du recensement de 2021, près de 98 % des résidents d’Arthabaska ont le français comme langue d’usage, et seulement 3 % appartiennent à des minorités visibles.
C’est donc un électorat très blanc et très francophone.
Que disent sondages et projections ?
C’est nébuleux.
Les sondages locaux sont des exercices périlleux en raison de la difficulté à récolter un échantillon à la fois suffisant et représentatif dans une seule circonscription. C’est encore plus vrai en pleine période estivale, alors qu’une partie non négligeable des électeurs sont en vacances ou simplement sortis de leur routine.
Plusieurs sondages ont été réalisés dans Arthabaska ces derniers mois, mais un seul a été rendu public : celui de Segma Recherche pour le compte du Parti québécois. Il plaçait le PQ à 42 % d’appui, contre 41 % pour le PCQ — une égalité statistique. De plus, Segma y mesurait un effondrement historique de la CAQ, avec seulement 3 % d’appui.
Mais attention : un gigantesque bémol s’impose. Aucun détail méthodologique de ce sondage n’a été publié — pas même la taille de l’échantillon — ni par le Parti québécois, ni par le média local qui a relayé la nouvelle. Correction : le sondage Segma Recherche a récolté des données par appels téléphoniques auprès d’un échantillon de n=400 électeurs de la circonscription d’Arthabaska (information disponible dans cet article de Geneviève Lajoie du Journal de Québec et envoyée à Qc125 par le PQ).
La projection Qc125 pour Arthabaska donne aussi une égalité statistique entre le PQ et le PCQ, avec le PLQ, la CAQ et Québec solidaire loin derrière.
Aurons-nous plus de données locales d’ici le jour du scrutin? Sauf fuite volontaire d’un sondage interne, cela me semble peu probable.
Mais une chose est sûre : on décortiquera les résultats dans les moindres détails.
Merci aux abonnés et abonnées de Qc125 pour votre soutien. Profitez bien de l’été !