Et si la CAQ perdait sa majorité…
Des défections caquistes pourraient-elles transformer l’Assemblée nationale avant même les élections l'an prochain ?
Les députés d’arrière-banc de la CAQ, ainsi que ceux qui seront bientôt « déçus » de ne pas se joindre au cabinet lors du remaniement ministériel annoncé par François Legault, pourraient chambouler la prochaine année parlementaire à Québec — une année électorale, rappelons-le.
C’est une question de chiffres, et rien que de chiffres.
La correspondante parlementaire du Devoir à Québec, Marie-Michèle Sioui, publiait jeudi dernier un article fort intéressant intitulé : « Une vingtaine de députés de la CAQ ont tenu une rencontre sans leur chef à la fin juin ».
Extrait de l’article de Sioui :
Une vingtaine de députés caquistes ont organisé en juin une rencontre en l’absence de leur chef pour discuter de l’avenir de leur parti, qui a grand besoin de se « réenligner » et doit « faire des changements », de l’aveu même du premier ministre, François Legault.
La tenue de cette réunion, révélée par le 98,5 FM, a été confirmée jeudi par une poignée de députés de la Coalition avenir Québec (CAQ) convoqués à l’Assemblée nationale pour un caucus qui devait durer toute la journée.
Et Sioui ajoute :
Devant les médias, jeudi, le whip en chef du gouvernement, Mario Laframboise, a déclaré qu’il avait lui-même suggéré d’organiser cette rencontre. Le 98,5 FM a plutôt rapporté que la réunion était l’initiative du député de Rousseau, Louis-Charles Thouin. Au total, 22 députés y auraient participé.
C’est ce chiffre — 22 députés — qui m’a mis la puce à l’oreille.
Un peu de contexte
La plus récente projection Qc125 (13 août 2025) pour la CAQ est sans équivoque : si une élection générale avait lieu aujourd’hui, ce serait vraisemblablement la fin de la Coalition avenir Québec — Équipe François Legault.
Selon les plus récents sondages, le Parti québécois a désormais détrôné la CAQ dans les intentions de vote au niveau national, auprès de la majorité francophone, dans les banlieues de Montréal et en région (voir la liste complète des sondages québécois ici). Dans la Capitale-Nationale, où la CAQ avait fait le plein de circonscriptions en 2018 et 2022, la formation de François Legault n’est tout simplement plus dans la course (voir sondage Léger de juin dernier plus bas).
En tenant compte de la victoire péquiste dans l’élection partielle d’Arthabaska, la composition des 125 députés de l’Assemblée nationale se lit ainsi :
86 députés de la CAQ
20 députés du PLQ
12 députés de QS
6 députés du PQ
1 député indépendant (Youri Chassin, élu sous la bannière de la CAQ en 2022)
Qui se souvient de l’ALN ?
Avant de plonger dans la politique-fiction, j’aimerais rappeler aux lecteurs et lectrices un précédent historique : celui de l’Action libérale nationale (ALN).
Cette formation politique éphémère, née en 1934 de membres dissidents du Parti libéral du Québec (à l’époque au pouvoir sans interruption depuis 1897), rassemblait des élus mécontents de la gestion du premier ministre Louis-Alexandre Taschereau.
Dirigée par Paul Gouin, l’ALN conclut juste avant les élections de 1935 un pacte de non-agression avec le Parti conservateur de Maurice Duplessis. Les deux formations s’entendent pour ne pas présenter de candidats l’une contre l’autre — et l’alliance porte fruit : l’ALN fait élire 25 députés (sur 90), les conservateurs remportent 17 comtés. Et le Parti libéral ? Il conserve de justesse sa majorité à Québec avec 48 sièges (46 requis à l’époque pour une majorité).
La création de l’ALN, puis son éventuelle fusion avec les conservateurs pour créer l’Union nationale, marqua l’une des premières étapes du grand réalignement générationnel du portrait politique au Québec avant la révolution tranquille.
De retour à 2025
Politique-fiction: si une vingtaine de députés caquistes devaient quitter le navire, que se passerait-il alors ?
La CAQ compte actuellement 86 élus. Supposons, hypothétiquement, que 24 d’entre eux fassent défection.
Résultat : la formation de François Legault tomberait à 62 sièges — perdant ainsi sa majorité à l’Assemblée nationale. Mais surtout, ce groupe hypothétique de 24 députés dépasserait le PLQ en nombre et deviendrait l’opposition officielle à Québec.
Bien entendu, je ne fais pas ici de prédiction. Nous nageons en pleine politique-fiction.
Mais en lisant l’article de Mme Sioui, c’est la première chose qui m’est venue à l’esprit. Des députés déçus et mécontents se trouvent au sein de la CAQ et, s’ils se regroupaient, ils pourraient complètement faire basculer la prochaine année politique au Québec. Dans notre système parlementaire, c’est avant tout une question de chiffres.
Dans le contexte politique actuel, les élus « déçus » de la CAQ disposent de beaucoup plus de pouvoir et de levier qu’on ne pourrait le croire à première vue.
Plus d’analyses sous peu.
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