Êtes-vous favorable à la souveraineté... ET prêt à voter oui ?
Si le camp souverainiste cherche un nouveau souffle, il le trouvera peut-être chez les jeunes électeurs — à condition de les convaincre de passer de l’idée à l’action.
Un article de la plume du journaliste William Thériault de La Presse, publié ce matin, porte le titre suivant : « Montée spectaculaire du souverainisme chez les jeunes ».
Le titre est accrocheur, et avec raison.
Ce n’est pas sans rappeler les résultats du dernier sondage Léger-Québecor, publié en juin, qui montraient une hausse des appuis au camp du OUI chez les jeunes électeurs québécois.
L’article ne contient pas de rapport de sondage en bonne et due forme, mais il ne s’agit pas d’un oubli. CROP n’a transmis à La Presse qu’un fichier Excel contenant les résultats détaillés de deux questions. Les voici :
Personnellement, êtes-vous très favorable, plutôt favorable, plutôt défavorable ou très défavorable à la souveraineté du Québec?
S'il y avait un référendum aujourd'hui sur la souveraineté du Québec, voteriez-vous ou seriez-vous tenté(e) de voter OUI ou NON?
Il est intéressant de poser ces deux questions dans le même sondage, car elles permettent de cerner l’état d’esprit de certains électeurs, en particulier les indécis ou les « mous » (étiquette qui s’applique à la fois aux souverainistes et aux fédéralistes).
Commençons par la question de la favorabilité (oui, je sais que ce n’est pas un mot, mais ça devrait l’être) à l’endroit de l’option souverainiste.
À l’échelle nationale, 16% des répondants se disent « Très favorables » à la souveraineté et 28% « Plutôt favorable ». Total : 44%.
À l’inverse, 31% sont « Très défavorables » et 25%, « Plutôt défavorables ». Total : 56%.
Voici les résultats de cette question selon les genres et groupes d’âge:
Quelques observations à propos de ces chiffres:
Il n’y avait pas d’option « Ne sait pas », « Neutre » ou « Indécis » (c’est aussi le cas pour la question référendaire). Ce n’est pas problématique en soi, mais il est important de le noter pour éviter les comparaisons trompeuses dans de futures analyses.
Chez les jeunes électeurs, CROP mesure un contraste marqué : si 18 % se disent « Très favorables » (tout près de la moyenne nationale de 16 %), une proportion élevée de 37 % se dit « Plutôt favorable » — la plus forte parmi les tranches d’âge. Voilà un bassin important d’électeurs potentiellement souverainistes que devra courtiser le Parti québécois en vue du scrutin prévu l’an prochain.
L’option « Très défavorable » à l’idée de la souveraineté obtient une pluralité au niveau national — et culmine à 41 % chez les électeurs de 55 ans et plus. Si les jeunes Québécois sont en train de devenir plus souverainistes, leurs parents (et grands-parents) s’en vont dans le sens inverse.
Si les écarts entre les hommes et les femmes sont modestes, il est tout de même notable que 20 % des hommes se disent « Très favorables » à la souveraineté, contre seulement 11 % des femmes.
De plus, les découpages selon la langue maternelle nous indiquent que 50% des électeurs francophones sont favorables à la souveraineté (très favorable + plutôt favorable)—un seuil certes intéressant, mais nettement insuffisant pour remporter un référendum.
Et qu’en est-il de la question référendaire?
Les chiffres de CROP mesurent que les appuis à la souveraineté s’élèvent à 41% au niveau national — le meilleur sondage pour la souveraineté depuis plusieurs lunes. Toutefois, comme CROP n’a pas publié d’autres sondages similaires dans les dernières années, nous pouvons difficilement effectuer des comparaisons qui pourraient confirmer ou infirmer une tendance.
Le groupe démographique où l’appui est le plus élevé? Encore une fois, les jeunes. Chez les 18-34 ans, 47 % voteraient OUI, contre 53 % pour le NON.
Donc, selon ce sondage de CROP : 56% des 18-34 ans se disent favorables à la souveraineté, mais seulement 47% voteraient en faveur de la souveraineté (même sondage et même échantillon).
C’est dans ce sous-échantillon de 18-34 ans où l’écart entre la « favorabilité » et les appuis au OUI diffèrent le plus.
(En guise de comparaison: 44% des 35-54 ans sont favorables, mais 41% voteraient OUI. Chez les 55 ans et plus : 37% sont favorables, mais 36% voteraient OUI.)
Que pouvons-nous conclure ?
Ce sondage contient à la fois de bonnes et de moins bonnes nouvelles pour le camp souverainiste.
L’appui à la souveraineté est plus fort les jeunes (bonne nouvelle), mais il est nettement plus faible chez les plus âgés (mauvaise nouvelle).
La « favorabilité » de la souveraineté est en hausse chez les jeunes (bonne nouvelle), mais plusieurs jeunes qui s’y disent « favorables » ne seraient pas nécessairement prêts à voter OUI pour autant (moins bonne nouvelle).
La souveraineté chez les non-francophones récolte 21% — une proportion bien plus élevée que la moyenne des dernières années (bonne nouvelle). Depuis l’automne 2024, les appuis à la souveraineté chez les non-francos a oscillé entre 10% et 17%. Toutefois, 46% d’appui pour le OUI chez les francophones est insuffisant pour une espérer victoire du camp souverainiste (mauvaise nouvelle).
En conclusion
Ce sondage de CROP n’indique pas, à lui seul, que le OUI détient un regain de momentum significatif, car les chiffres globaux de cette enquête ne diffèrent pas radicalement de ceux observés au cours des derniers mois (voire même des dernières années). Toutefois, la tendance qui semble se dessiner auprès des jeunes électeurs québécois laisse entrevoir un potentiel de croissance qui ne peut être ignoré.
Évidemment, ces chiffres seraient encore plus révélateurs s’ils étaient mesurés (et publiés !) de façon régulière (ahem). Un sondage isolé ne constitue qu’une photo instantanée : il ne raconte pas une histoire. Ce n’est qu’en suivant l’évolution des données dans le temps que nous pourrons réellement comprendre les transformations du paysage politique québécois — y compris ce regain apparent d’intérêt chez les jeunes envers la souveraineté.
Voilà une donnée cruciale à surveiller alors que s’amorce une nouvelle année électorale au Québec.
Le Parti québécois saura-t-il en profiter? De tels chiffres pourraient certainement aider au recrutement de candidats péquistes dans la prochaine année. Verrons-nous une nouvelle cohorte de jeunes souverainistes sur les bulletins de vote l’an prochain ?
C’est donc à suivre.
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